C’est non sans un certain malaise que j’ai découvert le livre « Immunité au changement » dont chaque chapitre me rappelait ma situation professionnelle.
Malgré tous les progrès réalisés en psychanalyse et dans les groupes de parole, j’en étais toujours à douter de ma place, manquant de confiance en moi et cherchant à me rendre indispensable en m’abîmant par un excès d’humilité dans des tâches et corvées diverses que d’aucuns auraient jugées dévalorisantes.
Ce faisant, je suis fidèle à mes origines paysannes et je ne considère pas qu’avoir fait des études me dispense des travaux ingrats, au contraire. Et je me retrouve dans David, du chapitre 5, David qui ne peut parvenir à déléguer pour rester fidèle à ses racines ouvrières (et qui découvre bien d’autres raisons encore). Je jugeais que j’étais la seule assez payée pour cela. Ce qui nous amène à un thème sur ma place et sur l’argent sur lequel nous reviendrons plus tard.
Toujours est-il que, sans lire jusqu’au bout les recommandations (ne pas risquer de se faire virer, ne pas risquer la dépression), je me suis lancée dans un processus de changement, j’ai interpellé ma chef, au risque de me faire virer si cela avait été possible. Et j’ai frôlé l’arrêt de travail pour dépression.
Je n’ai pas bien appliqué la méthode qui consiste à pratiquer des tests simples et sûrs, pour vérifier la véracité de grandes croyances cachées.
J’ai dû alors redéfinir mon but de changement. Je demandais tout d’abord d’être plus visible, tout en sachant que certains m’avaient remarquée parce que j’étais discrète ! Je vais donc choisir un but moins important mais plus facile à tester.
J’ai donc choisi comme but : être moins minable, moins ridicule, cesser de me plier en quatre pour satisfaire tout le monde, de me laisser maltraiter.
Avec comme grande croyance mise à jour :
si je devais générer du conflit, la situation serait invivable et je n’aurais pas envie d’aller au travail.
Les tests m’ont coûté, mais ils ont été très clairs et parlants : je n’ai pas fait un nombre considérable de choses que je ne pouvais m’empêcher de faire. Je n’ai pas souri, pour éviter que les autres voient que j’étais contrariée. Résultat, le conflit a été généré, on a essayé de me prendre ma place, j’ai tenu bon, l’attitude de ceux à qui je souriais par devoir a changé, et j’ai cessé de me sentir obligée de faire des choses avec les gens qui ne m’aiment pas. Je pense que j’ai obtenu des informations claires sur la réalité (tout le monde ne m’aime pas, c’est vrai, et je peux garder ma place sans me mettre forcément en quatre). Je me suis sentie progressivement de plus en plus forte. Ce qui faisait mentir une autre croyance : « Si j’étais mise à l’écart, je serais terriblement déprimée ». J’ai trouvé au moins trois personnes qui ne m’aiment pas, je l’ai accepté et admis, et j’ai cessé de leur donner une énième chance. Et je m’aperçois que je ne suis jamais complètement isolée car il y a aussi des personnes avec lesquelles je m’entends bien. Je vois que créer du conflit peut être plutôt une bonne chose.
J’ai ensuite travaillé sur la grande croyance suivante : « Si je ne me démultiplie pas, je ne suis rien du tout », croyance terriblement partagée de n’être rien, de ne rien mériter. Mais cela mène à une croyance plus profonde : « Je suppose que je dois multiplier les actions dans l’espoir que les gens découvrent un jour comme je suis géniale, parce que je n’ai pas le droit de faire ma propre promotion. » et à la prise de conscience de cette quête de revanche grandiose de mégalo
J’ai le rêve qu’un jour, les gens découvriront que je suis géniale.
Ainsi je m’aperçois que je vivais dans des sables mouvants, en quête d’une reconnaissance absolue qui ne venait jamais.
Cette prise de conscience est très importante. Immédiatement, je sais que je ne suis pas un génie, mais je peux désormais poser les pieds sur du solide. J’ai des qualités. J’excelle dans certains domaines, dans d’autres je peux m’améliorer, dans d’autres encore je suis tout à fait nulle ! Et ces découvertes me permettent d’asseoir ma confiance en moi. Du coup, je prends moins de précautions oratoires, j’affirme davantage, mon discours devient plus crédible.
J’ai pu voir comment la grande croyance cachée a rétréci ma tête, mon champ de conscience.
Une autre carte d’immunité où je pose comme but de ne plus être affectée par certaines personnes.
Et j’en arrive à la grande croyance que je suis le dernier Robin des Bois, celle qui combat l’oppression et l’obscurantisme au péril de sa vie. Avec le corollaire que je dois être parfaite pour éviter toute critique. Là encore, je m’aperçois que je ne suis pas seule contre tous. Et que l’ennemi a parfois tort et parfois raison. Et que dans tout cela, je ne risque pas ma vie ! Enfin que les critiques que je cherche à éviter à tout prix, elles sont déjà là.
Le résultat a été un changement total d’état d’esprit vis-à-vis d’une personne que je côtoyais, un complet retournement. C’était maintenant elle qui se trouve isolée et mise à l’écart.
En travaillant et retravaillant mes thèmes chers, trouver ma place, ne pas me sentir à l’écart, je découvre que l’hyper-activité me permet de ne pas voir la réalité, de rêver, de me rêver !
Je m’aperçois aussi que j’éprouve une grande satisfaction et un grand bien être à travailler à mon bureau plutôt que de passer mon temps en tâches collectives.
Je m’attaque ensuite au problème suivant : pouvoir garder mon libre arbitre sur le fait de donner (aux autres, aux plus pauvres, aux mendiants). Là encore, on assiste à un retournement complet de mon schéma mental, après la mise à jour d’une terrible croyance :
Je suis tellement privilégiée que je ne mérite pas (n’ai pas de mérite) à recevoir de l’argent (ma paie, mon héritage). Je dois m’acquitter d’un impôt (gagner deux fois pour avoir le droit de disposer de mon argent) sur tout ce que je gagne. Je n’aurai jamais fini de rembourser ma dette.
J’en viens ensuite à : me libérer de la peur, et là, beaucoup de travail m’attend encore !
Et encore : revenir dans le circuit normal d’une promotion, même si je suppose que je ne supporterais pas le stress auquel je serais soumise.
Cela implique, faire comme tout le monde, à l’encontre des injonctions de mon éducation.
Tu dois être différente (et surtout ne pas te faire remarquer)
Avec Cathy, l’héroïne du chapitre six, j’ai une prise de conscience importante sur une affirmation d’un ancien chef dont l’opinion était significative pour moi. Il m’avait cassée lorsque j’ai cherché à prendre mon indépendance (ce qui d’ailleurs avait été un élément déclenchant pour m’amener en analyse) : « Vous n’êtes rien sans moi, c’est moi qui ai tout fait. » Affirmation qui semble avoir imprégné mon subconscient, voilà maintenant quatorze ans. Jusqu’à ce qu’elle refasse surface, enfin !!!
J’en suis arrivée à un point où j’ai conscience que je me crois vulnérable et que je me place sous la coupe de personnes non fiables qui sont trop préoccupées par leur propre promotion pour pouvoir m’apporter une aide, et qui me font même faire des bêtises.
Actuellement, je suis en train de tester le postulat que je ne suis pas capable de faire des projets à long terme et que par conséquent je ne peux avoir de projet de vie.
Vous voyez comme mes immunités au changement ont été petit à petit renversées, sur une période d’un an, et cela sans aide extérieure.
Les thèmes récurrents sont ceux que j’ai abordés en psychanalyse :
- sensation d’être mise à l’écart
- doute sur ma place
- mon éducation schizophrène
Les grandes croyances mises à jour successivement et leurs tests :
– Je suis incapable de traiter le conflit (réagir en mode conflictuel plutôt que sarcastique)
– Je dois être gentille avec tout le monde pour mériter ma place (on ne peut me prendre ma place)
– Les gens vont découvrir que je suis géniale (je suis excellente dans certains domaines)
– Je suis le dernier Robin des Bois (est-ce que je joue ma vie ?)
– Je dois être différente (faire des choses comme tout le monde)
– Je ne peux me permettre de perdre ma bonne réputation (ai-je une bonne réputation ?)
– J’ai besoin de m’appuyer sur des êtres indisponibles (je peux me débrouiller sans aide)